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Une collaboration de recherche permet à une entreprise de coopérer avec un centre de recherche académique pour réaliser ensemble un projet de recherche et se partager les résultats obtenus. Voici les 10 points clés pour tout comprendre de ce contrat.

1. Qu'est-ce qu'une collaboration de recherche ?

Une collaboration de recherche est une coopération scientifique et technique entre plusieurs parties. Elles mettent en commun des moyens humains, financiers, matériels et immatériels pour mener ensemble des travaux de recherche sur la base d'un programme défini : le projet de recherche. L'objectif est de parvenir à des résultats susceptibles d'être exploités industriellement et commercialement.

Une collaboration de recherche peut intervenir entre plusieurs types de parties :

  • une entreprise et un ou plusieurs centres de recherche académiques ;
  • deux entreprises ou plus.

Elle prend généralement l'une des formes suivantes :

  • toutes les parties participent aux travaux de recherche et apportent les moyens pour les réaliser ;
  • une partie réalise les travaux de recherche tandis que l'autre apporte essentiellement des moyens pour les réaliser.

Cette dernière forme est particulièrement adoptée par les start-ups de la deeptech : elles apportent leur technologie et des fonds et sur cette base, le centre de recherche académique réalise les travaux de recherche avec ses propres chercheurs, équipements, laboratoires, etc. Cet article s'intéresse plus spécifiquement à cette dernière forme.

2. Quel est l'intérêt d'une collaboration de recherche pour une entreprise ?

La collaboration de recherche présente plusieurs intérêts pour une entreprise, notamment deeptech :

  • accéder à des équipements (ceux du centre de recherche académique) dont elle ne dispose pas elle-même ;
  • bénéficier des compétences d'une équipe de chercheurs (celle du centre de recherche académique) ;
  • supporter des coûts de recherche moindres ;
  • parvenir ce faisant à des résultats qu'elle ne pourrait pas obtenir seule.

Les coûts d'une collaboration de recherche sont en effet moindres que ceux d'une prestation de service scientifique ou technique. La collaboration de recherche repose sur une coopération impliquant un partage des coûts moyennant un partage des résultats. A l'inverse, la prestation de service scientifique ou technique signifie en principe que l'entreprise est cliente du centre de recherche académique, détient l'intégralité des résultats mais supporte la totalité des coûts.

De nombreuses start-ups de la deeptech, qui ne sont pas en mesure d'internaliser, ni d'acheter des prestations de recherche, se tournent vers la collaboration de recherche pour ces raisons.

3. Comment sont répartis les moyens et coûts de la collaboration de recherche ?

Chaque partie peut apporter les moyens suivants à la collaboration de recherche :

  • des équipements tels que ceux pouvant être présents dans un laboratoire ;
  • du personnel, y compris des chercheurs, pour mener les travaux de recherche ;
  • des consommables (par exemple, des produits ou substances nécessaires pour réaliser des essais ou analyses) ;
  • des locaux aménagés tels qu'un laboratoire ;
  • des connaissances (invention brevetée ou non, savoir-faire, base de données, logiciel, etc.) ;
  • des échantillons, y compris humains (par exemple, une biobanque) ;
  • des fonds pour financer les travaux.

Ces contributions sont chiffrées et figurent dans l'annexe financière du contrat de collaboration de recherche. Un certain équilibre est généralement recherché entre les contributions respectives des parties et une contribution financière est usuellement versée par l'entreprise au centre de recherche académique pour y parvenir. Cette contribution financière varie selon le niveau des autres contributions (non financières) de l'entreprise. Elle est acquittée, le cas échéant selon un échéancier, sur présentation d'une facture par le centre de recherche académique.

4. Qui est propriétaire des résultats de la collaboration de recherche ?

Les travaux menés au travers de la collaboration de recherche peuvent donner des résultats variés tels qu'une invention, des données ou un logiciel. Ces résultats sont également appelés "connaissances nouvelles", "foreground knowledge", "résultats communs" ou "joint results". Ils sont en effet la propriété conjointe des parties. Selon leur nature juridique, ils sont soit en indivision, soit en copropriété entre les parties.

Le partage de la propriété des résultats issus de la collaboration de recherche prend habituellement l'une des formes suivantes :

  • soit le contrat de collaboration de recherche fixe clairement le pourcentage (la quote-part indivise ou de copropriété) de chaque partie ;
  • soit il indique que les résultats appartiennent aux parties à hauteur de leurs contributions respectives (humaines, matérielles, immatérielles, financières, etc.).

La première formule permet de figer dès le début la répartition de la propriété des résultats futurs entre les parties. La seconde formule renvoie à une discussion ultérieure, une fois les résultats obtenus, pour déterminer cette répartition. Le choix entre les deux peut notamment dépendre de la capacité des parties à anticiper ou non les contributions qu'elles vont apporter et les résultats qu'elles sont susceptibles d'obtenir.

5. Quel est l'impact de la réglementation européenne des aides d'Etat sur une collaboration de recherche ?

Le partage de la propriété des résultats d'une collaboration de recherche entre une entreprise et un centre de recherche académique public d'un Etat membre de l'Union européenne doit tenir compte de la réglementation européenne des aides d'Etat.

Pour ne pas fausser la concurrence entre les entreprises, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit les aides directes ou indirectes des Etats membres aux entreprises, sauf dérogations. Toutefois, certaines aides d'Etat à la recherche, au développement et à l’innovation ne sont pas interdites si elles remplissent certaines conditions.

Tel est le cas des collaborations de recherche public/privé à condition que tous les droits de propriété intellectuelle résultant du projet, ainsi que les droits d'accès connexes, soient attribués aux différents parties "d'une façon qui reflète de manière appropriée leurs intérêts respectifs, l'importance de leur participation aux travaux et leurs contributions au projet" (Communication de la Commission européenne, Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (2014/C 198/01)).

6. Qui peut exploiter les résultats issus de la collaboration de recherche ?

Le contrat de collaboration de recherche définit un domaine d'exploitation des résultats. Ce domaine délimite classiquement les droits d'exploitation respectifs des parties :

  • l'entreprise peut exploiter les résultats à l'intérieur de ce domaine ;
  • le centre de recherche académique peut exploiter les résultats à l'extérieur de ce domaine.

Il n'est pas rare que le contrat de collaboration de recherche ne confère pas dès le début à l'entreprise le droit d'exploiter les résultats dans le domaine. Il peut ne lui consentir qu'une option de licence, à exercer dans un certain délai., libre à elle ensuite de l'exercer pour pouvoir effectivement exploiter les résultats dans le domaine. Si elle l'exerce, un contrat de licence devra être négocié et conclu. Les revenus issus de cette exploitation seront partagés entre l'entreprise et, via les redevances de cette licence, le centre de recherche académique à hauteur de leurs pourcentages respectifs de propriété. Si elle ne l'exerce pas, elle perd ce droit qui revient alors au centre de recherche académique.

Il arrive également qu'une licence d'exploitation existe déjà entre l'entreprise et le centre de recherche académique, portant sur des technologies appartenant à ce dernier. Le contrat de collaboration de recherche peut alors, dans ce cas de figure, prévoir que les résultats viendront compléter le champ de cette licence pré-existante. Tel est notamment le cas lorsque la collaboration de recherche vise à obtenir des perfectionnements ou développements de ces technologies déjà données en licence.

Le centre de recherche académique, quant à lui, peut exploiter les résultats hors domaine via notamment l'octroi de licences à des tiers. Toutefois, ces résultats demeurant conjointement la propriété du centre de recherche académique et de l'entreprise, les revenus issus de cette exploitation reviendront à celle-ci à hauteur de son propre pourcentage de propriété.

7. Comment concilier publications scientifiques et secret des affaires ?

L'intérêt d'une collaboration de recherche pour une entreprise et pour un centre de recherche académique n'est pas le même :

  • l'entreprise souhaite obtenir des résultats qu'elle pourra ensuite exploiter sur un plan économique ;
  • le centre de recherche académique souhaite obtenir plus généralement des connaissances qu'il pourra non seulement exploiter mais aussi publier dans des revues scientifiques voire dans des thèses de doctorats si des doctorants font partie de l'équipe de chercheurs.

Or, rendre publique une découverte, une connaissance nouvelle voire une invention peut empêcher de la protéger (par exemple, via un brevet) et anéantir tout son potentiel commercial et industriel.

Le contrat de collaboration de recherche veille donc à concilier ces deux intérêts : permettre les publications scientifiques tout en préservant l'exploitation commerciale des résultats. Parmi les clauses usuelles, figurent notamment :

  • une période initiale pendant laquelle aucune publication scientifique n'est possible, par exemple le temps de breveter l'invention ;
  • la soumission de toute publication scientifique à l'accord des autres parties (dont l'entreprise) ;
  • le droit pour toute partie (telle que l'entreprise) de faire modifier ou supprimer tout passage susceptible de nuire à cette exploitation commerciale ;
  • la mise en place d'un huis clos et d'accords de confidentialité pour toute soutenance de thèse portant sur les résultats.

8. Comment est assuré le suivi de la collaboration de recherche ?

Le bon déroulement de la collaboration de recherche peut être suivi par un organe collégial mis en place par les parties : comité de suivi, comité de pilotage ou "steering committee".

Cet organe collégial de suivi comprend des représentants des parties. Il peut notamment être chargé des missions suivantes :

  • suivre et superviser le déroulement du projet de recherche ;
  • valider les délivrables des parties (tels que les rapports intermédiaires ou le rapport final du centre de recherche académique) ;
  • suggérer toute modification ou extension du programme de recherche ;
  • régler toutes difficultés techniques survenant au cours du projet de recherche.

Les règles de vote sont définies dans le contrat de collaboration de recherche.

En cas de blocage ("deadlock"), une procédure de dénouement peut être prévue. Elle peut notamment consister à faire remonter le blocage aux supérieurs hiérarchiques des représentants ou aux dirigeants de chaque partie ("escalate"), charge à eux de trancher d'un commun accord.

9. Que se passe-t-il au terme de la collaboration de recherche ?

Le terme initialement prévu peut être prorogé, autant de fois que nécessaire. Cela se produit tout particulièrement lorsque de nouveaux travaux de recherche sont ajoutés afin d'approfondir ou compléter les résultats obtenus.

A l'issue de la collaboration de recherche :

  • chaque partie récupère les moyens (non financiers) qu'elle a apportés, y compris ses connaissances antérieures ("background knowledge") ;
  • chacune peut généralement utiliser gratuitement les résultats pour ses propres besoins de recherche et, le cas échéant, si le centre de recherche académique est adossé à un établissement d'enseignement telle une université, d'enseignement.

Si des résultats susceptibles d'exploitation sont obtenus :

  • ils peuvent faire l'objet d'une protection, telle qu'un dépôt de brevet pour une invention, un dépôt du code source auprès de l'APP ou autre pour un logiciel, un dossier technique secret pour un savoir-faire, etc. ;
  • ils peuvent être exploités, dans le domaine d'exploitation défini par le contrat de collaboration de recherche, par l'entreprise aux termes d'un contrat de licence à conclure avec le centre de recherche académique ;
  • ils peuvent également être exploités, en dehors de ce domaine d'exploitation, par le centre de recherche académique aux termes d'un contrat de licence à conclure avec l'entreprise ;
  • ils peuvent être couverts par un règlement de copropriété ou un règlement d'indivision, selon leur nature juridique, à conclure entre les parties pour définir leurs droits et obligations en tant que copropriétaires de brevets ou co-indivisaires d'autres résultats.

10. Comment se passe la négociation d'un contrat de collaboration de recherche ?

La négociation d'un contrat de collaboration de recherche fait habituellement intervenir :

  • les services dédiés du centre de recherche académique, tels que le service juridique et le service de la recherche partenariale ;
  • les chercheurs, en particulier pour la définition du programme de recherche ;
  • l'entreprise.

Elle porte principalement sur :

  • le corps du contrat de collaboration de recherche, avec toutes les clauses appropriées (modalités financières, pilotage du projet de recherche, répartition de la propriété des résultats, exploitation des résultats, publications scientifiques, confidentialité, loi applicable, juridiction compétente, etc.) ;
  • l'annexe financière, chiffrant les contributions respectives des parties ;
  • l'annexe technique, décrivant le programme de recherche à réaliser, la répartition des tâches et le calendrier ;
  • l'annexe des connaissances antérieures ("background knowledge"), listant les moyens immatériels que chaque partie apporte pour réaliser le projet de recherche ;
  • l'annexe de la procédure applicable aux résultats brevetables, précisant les règles à suivre entre les parties pour le dépôt, l'extension et la maintenance des brevets et servant généralement de base au futur règlement de copropriété des brevets.

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